Le 19 octobre, une pièce puissante et poignante se jouera sur la scène de l’Espace Saint-Exupéry. Avec son adaptation du livre En ce temps-là, l’amour, de Gilles Segal, le metteur en scène Christophe Gand remonte puis arrête le temps sur un épisode bien sombre de l’Histoire. Sinistre période durant laquelle des parents et des enfants disparaissaient, emportés dans des trains vers les camps de la mort. Une leçon de vie et de survie magnifiquement interprétée par David Brécourt, seul face au public.
Le roman de Gilles Segal a été adapté sur le grand écran il y a dix-sept ans. Quel est le défi que devait relever cette pièce dont vous interprétez tous les personnages ?
« C’est justement le seul en scène qui a constitué tout le challenge de cette pièce. Il ne faut pas se louper quand on doit tenir en haleine les spectateurs pendant 1h20. Pour Christophe et moi-même, le défi était de jouer fidèlement ce texte puissant et magistral de Gilles Segal qui a voulu témoigner à travers cette fiction de la déportation qu’a vécu sa famille pendant la guerre. Il raconte ce passé à la façon de Benigni dans La Vie est belle. C’est un texte sur la transmission d’un père à son fils dans un train qui part à Auschwitz. »
Qu’est-ce qui vous a poussé à vouloir relever ce défi ?
« J’ai eu un coup de cœur pour ce texte lorsque Christophe Gand me l’a présenté il y a deux ans à Avignon et m’a proposé de le jouer seul. J’interprète tous les personnages, je joue le narrateur, le père, le fils, le clown. C’est ce travail-là qui m’intéressait. D’autre part, je porte le numéro de déporté de mon beau-père qui a été à Auschwitz pendant plus de deux ans, s’en est sorti, et est décédé il y a huit ans. Non seulement je me fais plaisir en jouant ce texte embelli par une superbe mise en scène mais en plus, j’ai l’impression de servir à quelque chose en transmettant. C’est ça qui est magnifique. »
Quelle est la différence entre le jeu pour la toile et celui sur les planches ?
« Le travail est complètement différent. Le théâtre, c’est du direct live, un travail sans filet, on ne joue jamais la pièce de la même manière alors que la réalisation d’un film se fait en plusieurs prises, le montage nous permet d’en faire ce que l’on veut. Sur scène, on n’a pas le droit à l’erreur, on doit capter le public. C’est lui qui fait toute la différence et qui donne toute la force au théâtre. Avec une comédie, c’est plus facile, le public réagit avec des rires mais là, il n’y a pas de rires, seulement une respiration que j’essaie de palper à chaque représentation. »
De quelle manière cette mise en abîme concoctée par Christophe Gand retranscrit-elle ce qui échappe aux mots, au temps, à l’entendement ?
« Le personnage narrateur que j’interprète, Z., est horloger et l’histoire se déroule dans les années 1960, seulement quinze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce père a sept jours pour transmettre toute la philosophie de la vie à un jeune garçon de douze ans sachant qu’ils vont mourir au terme du voyage. À l’époque où se situe la pièce, la Shoah résonne encore dans les mémoires, ça l’est un peu moins aujourd’hui. C’est pour cela que ça m’intéressait de prendre part à cette transmission, à ce devoir de mémoire à ma manière, pour ne jamais oublier. Cette pièce est un hymne à la vie, on y parle de liberté, d’amour, c’est ce qui fait sa force. »