Il aura fallu plus de 40 ans au club de spéléologie de Franconville pour parvenir à cette belle découverte dans les profondeurs des Pyrénées. Pierre Bancel, Vice-président du Club, nous raconte cette aventure souterraine pleine de rebondissements. Courage, intelligence, persévérance… et prudence : quatre maître-mots pour ces passionnés !
Depuis de nombreuses années des spéléologues venus de toute la France explorent les grands gouffres du Massif de la Pierre Saint-Martin, à la jonction du Pays basque et du Béarn. L’objectif de ces recherches est la découverte de rivières souterraines qui circulent sous la montagne. « C’est notre but à nous tous les spéléologues, explique Pierre Bancel, Vice-président du club de spéléologie. Notre rêve c’est d’explorer et de découvrir le plus possible. » En août 1977, une expédition est organisée sur un secteur où ont été repérés plusieurs grands gouffres encore inexplorés. Les spéléologues vont repérer un gouffre particulier qui sera baptisé AP7 et, dans cette cavité l’un d’entre eux remarque une lucarne à 10 mètres du fond. Celle-ci va donner l’accès à la suite de l’abysse. 60 mètres de descente de petits ressauts étroits, puis un grand puits de 80 mètres vont permettre de prendre pied dans la rivière souterraine de l’Arre Planère tant convoitée.
En 2006, Franck Soulage, Président du Spéléo-Club, relance les explorations. Le premier objectif est d’établir le plan précis du gouffre. Ces levés topographiques vont confirmer les suppositions du Club : une autre rivière souterraine est très proche. Cette seconde rivière, la rivière des Bourrugues, a été repérée en descendant par un autre gouffre appelé le « B3 ». La jonction entre les 2 rivières souterraines est le nouvel objectif proposé par Franck.
« Pour les explorations de longue durée, un camp de base souterrain est installé à 350 mètres sous terre dans une salle souterraine sablonneuse où les équipes séjourneront entre 3 et 8 jours, raconte Pierre Bancel. » Tout le confort nécessaire est installé : tente avec couchages, réserves de nourriture, réchauds, groupe électrogène… Pour la sécurité, un câble téléphonique a été tiré. Les spéléologues sont ainsi informés des variations de la météo.
À partir de ce camp souterrain côté AP7, les explorations de « l’affluent Nord » vont avancer rapidement mais un siphon bloque le passage. Après deux années de travaux, l’accès est enfin possible et le siphon peut être contourné. L’exploration reprend et les découvertes de nouveaux réseaux s’enchaînent. 2012 sera une année sans progression car les orages se succèdent. 2013 et 2014 vont permettre d’étudier les nombreux boyaux qui se rapprochent lentement de la rivière du B3. En 2015, la météo est favorable et une expédition est programmée pour progresser dans le réseau AP7. Cependant, le Préfet demande finalement aux spéléos de rester disponibles pour éventuellement pouvoir porter secours aux spectateurs du Tour de France massés sur le bord des routes non loin des nombreux gouffres du Massif de la Pierre Saint-Martin. Après le passage du Tour, la météo va changer et l’année 2015 sera perdue.
De 2016 à 2020, Franck Soulage met en place une nouvelle stratégie afin de multiplier les chances du club de réaliser cette jonction entre les gouffres AP7 et B3. Deux groupes d’exploration sont créés dans chacune des cavités. Les réseaux découverts sont étroits et la recherche avance lentement. Plusieurs désobstructions seront nécessaires pour libérer le passage. Un courant d’air va guider les spéléologues. En juillet 2021, un traçage avec de la fumée révèle le secret du gouffre. Au fond du gouffre AP7, une petite fissure à 3 mètres en hauteur laisse passer la fumée du second groupe dans l’autre gouffre. Les levés topographiques révèlent qu’il reste 1.90m entre les 2 réseaux. « Quand on est spéléos on est aussi des scientifiques avec de bonnes notions en géologie et en topographie. » Mais la découverte ne sera pas pour cette année car la saison se termine et il faut rentrer à Franconville.
Grande effervescence en cette année 2022, car la jonction est enfin à la portée du Spéléo-Club. De plus, la météo est plus que favorable. Les spéléos s’installent en juillet dans le camp souterrain à 350 mètres sous terre. Les équipes vont se relayer régulièrement depuis la surface tous les 3 jours. Il faudra une dizaine de jours pour vaincre le passage. C’est Lucile qui sera la première à le franchir suivi de Franck, le président du club, Michel, Frédéric et Laurent. « Ce qui est marrant c’est que c’était la première participation de Lucile et de Frédéric à une
expédition souterraine à la Pierre Saint-Martin. On peut dire qu’ils ont eu la chance du débutant de faire une aussi belle découverte la première fois. » Le réseau AP7 vers B3 est aujourd’hui un des plus grands réseaux souterrains français avec un développement de 34 km pour une profondeur de 831 mètres. « C’est une très belle victoire pour le Club, c’était un travail de longue haleine et il y a avait beaucoup de concurrence mais nous sommes très fiers de notre découverte, » confirme le Viceprésident. Un grand bravo à tous !
En juillet 2023, la première traversée d’un côté de la montagne à l’autre est programmée si la météo le permet. Dans les prochaines années, les explorations vont reprendre en direction du gouffre B3 pour de nouvelles découvertes dans les profondeurs des Pyrénées.
Plus d’infos : Spéléo-Club de la Mare des Noues
https://scmnf.fr/
speleo-club.franconville@scmnf.fr